Les 7 secrets des boulangers qui maîtrisent leurs achats
Prix mouvants, fournisseurs répercutant les hausses mais plus rarement les baisses et clientèle de plus en plus volatile… Les bonnes pratiques en matière d’achats quand on est boulanger aujourd’hui par Laurent Scheinfeld, cofondateur de la startup Marge+.
Laurent Scheinfeld est cofondateur de la startup Marge +, entreprise spécialisée dans la négociation tarifaire. Il est très implanté dans le milieu de la boulangerie-pâtisserie, après avoir lui-même été à l’origine d’un groupe de boulangeries à Paris. La Toque magazine l’a rencontré.
La Toque magazine : Quelles sont les bonnes pratiques en matière d’achat ?
Laurent Scheinfeld : Vous savez, dans un monde où l’inflation est venue perturber l’équilibre instable des achats de matières premières, qui peut dire aujourd’hui qu’il achète au juste prix ? Pas grand monde. Et la raison en est simple : les produits ont, plus que jamais, connu différents facteurs de variation tarifaire — entre les pénuries et l’augmentation des coûts de l’énergie liées à la guerre en Ukraine. Il s’agit d’une situation inédite car, après des années de relative stabilité des prix, les boulangers doivent affronter une nouvelle donne : des cours qui bougent dans tous les sens, des fournisseurs qui répercutent les hausses — plus rarement les baisses —, et des clients de plus en plus volatils…
LTM : Quels conseils pouvez-vous donner ? Comment y voir plus clair dans les achats quand on est boulanger aujourd’hui ?
L.S. : Chez Marge +, nous avons répertorié les bonnes recettes pour s’en sortir. Je vais vous donner les sept secrets pour tenir bon la barre… Pour illustrer mon propos, je vais vous détailler ce que j’appelle le “syndrome de la tartelette aux framboises”, c’est-à-dire la capacité à fabriquer tous les jours un même produit, par habitude, sans savoir s’il est rentable, sans même se poser la question !
Secret n° 1 : Connaître votre 20/80
Avant d’acheter, il est important de répertorier les matières premières que vous utilisez le plus, les marchandises qui pèsent le plus sur le montant de vos achats. On pense évidemment à la farine, au beurre, etc. mais combien de boulangers connaissent leur troisième produit le plus employé ? Chez Marge+, nous avons identifié que les fruits rouges se trouvent souvent dans le Top 5 de ceux qui coûtent le plus cher aux boulangers. Et c’est souvent pour ces derniers une surprise de taille. Car si les fruits rouges, fraises ou framboises, sont les ingrédients favoris des pâtissiers pour leurs tartes, tartelettes, fraisiers et entremets, certains ne connaissent pas le prix de la framboise avant de recevoir leur facture. Pendant ce temps-là ils continuent à produire des séries de pâtisseries, sans se préoccuper du coût matière et de la rentabilité. Une caricature me direz-vous ? Dans certains établissements, et plus souvent qu’on ne le pense, les artisans ont une idée très vague de leurs volumes et du prix d’achat moyen de leurs ingrédients. Difficile dans ces conditions de discuter avec des fournisseurs et d’obtenir des prix placés en fonction des volumes.
Astuce
Analysez vos factures sur un mois, regardez les lignes les plus importantes en montant et en volume, calculez vos prix moyens. Une fois cela fait, identifiez les matières qui représentent 80 % du montant de vos achats. Ce sont vos produits stratégiques, dont vous devez surveiller le prix comme le lait sur le feu !
LB : Réaliser le 80/20 nécessite du temps, de la méthode et des outils. Avez-vous une solution à nous proposer ?
LS : Autant le dire immédiatement, la “facture” est la clé de voûte de vos achats…
Secret n° 2 : Surveiller vos factures
LS : La bonne méthode consiste à, premièrement, mettre en place un classement systématique des factures, aux formats papier ou électronique. Dans un second temps — une fois par semaine —, il faut prendre le temps d’analyser les factures et de reporter dans un tableau le prix d’achat des produits correspondant au 80/20. Le contrôle des factures est un point clé pour savoir si l’on achète au prix négocié. Encore faut-il avoir préalablement conclu des accords avec vos fournisseurs et comparer les factures à vos mercuriales — parfois appelées cadenciers. On évoquera ce point ultérieurement. Je sais d’expérience que peu de boulangers prennent le temps de se plier à l’exercice. En surveillant vos factures, vous constaterez pourtant des hausses sur vos matières premières, justifiées ou non, et vous pourrez également déceler des erreurs de facturation qui vous coûteront cher en fin d’année si vous n’avez pas réagi à temps !
Astuce
Si vous trouvez cela fastidieux, il existe des solutions digitales qui font très bien l’affaire et permettent de gagner beaucoup de temps.
LB : Très bien mais, derrière des factures, il y a la réalité physique des livraisons. Pouvez-vous nous détailler votre approche en la matière ?
LS : Je ne vais pas être original sur le sujet. Mes grands-parents, qui étaient dans le commerce, m’avaient appris à contrôler les cartons à l’arrivée. C’est vieux comme le monde et pourtant de moins en moins effectué…
Secret n° 3 : Contrôler vos réceptions
LS : Le contrôle des marchandises est crucial. Cela devrait être la règle. Vous devez vous assurer que vous recevez bien les marchandises commandées, dans les bonnes quantités. C’est vrai que c’est fastidieux de recevoir le livreur alors que vous avez une fournée à surveiller. Là encore, vous pouvez vous organiser pour qu’une personne soit dédiée à la réception des marchandises. Une méthode simple consiste à cocher chaque ligne sur le bon de livraison après avoir compté les paquets. Car les erreurs peuvent intervenir à différents points de la chaîne logistique. Des réceptions de marchandises non contrôlées signifient que vos marchandises vont vous coûter plus cher que prévu. Et cela sans compter les pertes, qui accentueront le phénomène. Donc, on ne se pose pas de questions : on contrôle systématiquement les livraisons. De temps en temps, sortez la balance et faites des sondages pour les marchandises livrées en vrac, vous aurez des surprises !
Astuce
Pour savoir si les contrôles ont été effectués, vérifiez que chaque ligne est bien cochée et que le poids du vrac est bien indiqué lors des sondages.
LB : Que fait-on lorsque l’on constate des erreurs ?
Secret n° 4 : Réclamer vos avoirs
LS : Et bien, naturellement, vous allez signifier à votre fournisseur les erreurs de livraison. Elles peuvent venir d’un prix erroné, d’articles manquants, de produits avariés (une poche sous vide livrée ouverte, par exemple), ou d’un article de substitution qui ne vous convient pas. Vous allez alors demander un avoir. Les fournisseurs y sont habitués et sont généralement très diligents. Le vrai sujet est de s’assurer que vous recevez bien l’avoir demandé, pour le bon montant. Là encore, vérifiez vos avoirs comme vous le faites désormais avec vos factures. Et souvenez-vous, un avoir doit porter la mention “Avoir” avec un montant positif ! Si le montant est négatif, cela s’appelle une facture : soyez vigilants !
Astuce
Faites votre demande d’avoir par écrit afin de conserver une trace : quand vous recevrez l’avoir correspondant, vous pourrez alors classer le dossier. Là encore, des solutions digitales intégrées vous permettent de ne rien oublier.
LB : La gestion des achats demande rigueur et organisation. Beaucoup de boulangers ont le souhait d’y parvenir mais souvent, faute de temps, c’est compliqué…
LS : Vous avez raison. Pourtant, le travail ne s’arrête pas là. Encore faut-il produire de manière rationnelle, en appliquant des recettes chaque jour à l’identique.
Secret n° 5 : Mettre vos fiches techniques à jour
LS : Pour maîtriser ses achats, il faut d’abord maîtriser son processus de production. Si tous les boulangers ont effectivement leur cahier avec leurs recettes près d’eux, combien ont pris le temps de les valoriser ? C’est-à-dire de calculer le coût matière de chacune d’elles. C’est un gros travail, qu’il faut faire pour plusieurs raisons. La première : il permet de s’assurer de produire à un coût acceptable et de vérifier a priori que le prix de vente permet de dégager une marge suffisante pour couvrir les frais fixes, les frais généraux, les salaires, les loyers, la consommation d’énergie… La seconde est qu'il amène à calculer correctement les besoins matières et à commander en conséquence les justes quantités, et ainsi d'éviter de sur-stocker — un stock vous coûte de l’argent — et donc le gaspillage.
Astuce
Les fiches techniques doivent être vivantes, c’est-à-dire rattachées à une mercuriale mise à jour régulièrement. Une fiche technique calculée sur d'anciens prix vous conduira à faire de mauvais calculs, et donc à perdre de l’argent.
LB : Je rencontre effectivement de plus en plus de boulangers qui tiennent leurs fiches techniques à jour. Avez-vous un conseil pour que cela ne soit pas trop chronophage ?
LS : Oui, il y a une méthode efficace, il s’agit de négocier une mercuriale sur une durée réaliste — le mois, par exemple — ce qui vous permettra de faire une seule mise à jour, une fois par mois.
Secret n° 6 : Bloquer vos tarifs avec vos fournisseurs
LS : Comme je l’évoquais en préambule, les bons acheteurs connaissent leurs volumes et sont en mesure de mener une négociation efficace avec leurs fournisseurs. De leur côté, les fournisseurs peuvent bloquer des prix, sur une durée plus ou moins longue selon les gammes. Pour l’ultrafrais, c’est compliqué ; pour le frais, c’est envisageable ; pour le sec, c’est plus facile. Je pense que les mois prochains vont connaître une double combinaison qui va compliquer le contrôle, de par l’inflation sur certains produits et la déflation sur d’autres. Arrêter une grille tarifaire cohérente apportera un véritable confort dans le pilotage des achats.
Astuce
À une époque certains acheteurs bloquaient leurs prix sur un an. Actuellement, il semble plus efficace de mener des négociations plus régulièrement dans l’année, une fois par trimestre paraît raisonnable.
LB : La question qui se pose reste quand même de savoir si l’on achète bien ou mal ? Je crois que Marge+ a mis au point une solution particulièrement efficiente pour acheter moins cher. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Secret n° 7 : Comparer pour mieux négocier
LS : C’est probablement le secret le mieux gardé : la base de la négociation, c’est la comparaison ! Mais comparer prend du temps, le nombre de produits achetés — 300 environ dans les boulangeries — nécessite un système d’information efficace. Et quand bien même il le serait, votre question est légitime. Comment s’assurer d’acheter au meilleur prix ? Pour un être humain, c’est devenu très compliqué, compte tenu du nombre de facteurs qui influent sur les prix. Pour parvenir à comparer des dizaines de milliers de produits, nous avons développé une technologie révolutionnaire qui met en regard, chaque jour, les prix des matières premières les plus utilisées. Et, de manière très pragmatique, nous avons mis au point un “baromètre” répertoriant chaque jour des centaines de produits avec des tarifs grands comptes préalablement négociés auprès de distributeurs certifiés. Pour ceux qui adhérent à Marge+ — et ils sont de plus en plus nombreux —, c’est l’assurance de bénéficier en permanence du vrai prix sans perdre de temps. C’est comme si tous les adhérents faisaient partie d’un même groupe, chacun restant indépendant. La force de notre modèle est qu’il est vertueux puisque chaque adhérent va payer le juste prix de ses produits en fonction de sa réalité économique et des volumes qu’il achète dans l’année. Ainsi, chacun y trouve son compte : le fournisseur augmente le nombre de ses commandes, le boulanger paye moins cher ! Ce dernier fait des économies, souvent plusieurs milliers d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable par les temps qui courent. Marge+ apporte de la transparence et de la lisibilité dans un monde opaque pour beaucoup d’entre nous. À terme, notre action vient réduire l’inflation et redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs : tout ce dont a besoin le boulanger aujourd’hui !
Astuce
Utilisez le baromètre Marge + pour comparer vos prix très simplement et commandez en connaissance de cause pour économiser sur vos achats. Accédez au baromètre Marge + sur www.margeplus.fr/verifiez-vos-prix-dachats/